Protéger son patrimoine personnel en auto-entrepreneur

La question du patrimoine est centrale pour l’auto-entrepreneur, car ce statut implique d’exercer son activité à son compte, et non via une société. Si une société constitue un véritable écran entre la personne de l’entrepreneur et son activité professionnelle, l’entreprise individuelle et son régime de la micro-entreprise implique des limites bien plus floues.

 

Pendant longtemps, la confusion du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel de l’auto-entrepreneur a exposé les entrepreneurs à des risques importants en cas de difficultés financières. Pour leur offrir une meilleure protection, une réforme entrée en vigueur en 2022 est venue modifier le statut de l’entreprise individuelle. Mais concrètement, qu’en est-il ? Quelle est la protection du patrimoine personnel d’un auto-entrepreneur ? On vous répond.

 

Qu’est-ce qu’un auto-entrepreneur ?

Un auto-entrepreneur est un entrepreneur individuel ayant opté pour le régime de la micro-entreprise. Il s’agit donc d’un entrepreneur à son compte, puisqu’aucune personne morale distincte n’est créée, comme c’est le cas pour une société. L’entrepreneur individuel se confond avec son entreprise.

 

La micro-entreprise est un régime simplifié, qui implique l’application du régime micro-fiscal et micro-social, et décharge l’entrepreneur de certaines obligations qu’il aurait normalement sous le régime de l’entreprise individuelle classique. Pour en bénéficier, l’entrepreneur doit respecter des seuils de chiffre d’affaires, qui diffèrent selon son activité :

 

Activité exercée Chiffre d’affaires HT à ne pas dépasser en 2024
Activité de vente de marchandises ou de denrées à consommer sur place et prestations d’hébergement 188.700€
Activité de prestation de services 77.700€
Activité libérale 77.700€

 

Dès lors que ces seuils sont dépassés sur deux années consécutives, l’auto-entrepreneur bascule automatiquement vers le régime classique de l’entrepreneur individuel.

 

Grâce au régime de la micro-entreprise, l’entrepreneur bénéficie du régime micro-fiscal qui est assez avantageux. Il est soumis à l’impôt sur le revenu et bénéficie d’un abattement sur son chiffre d’affaires, car il ne peut déduire ses charges. Les taux d’abattements sont les suivants :

 

  • 71% pour une activité de vente de marchandises ou prestations d’hébergement ;
  • 50 % pour une activité de prestation de services relevant des BIC ;
  • 34% pour une activité de prestation de services relevant des BNC et une activité libérale.

 

À noter : l’auto-entrepreneur peut opter pour le versement libératoire, qui lui permet de s’acquitter de son impôt sur le revenu à un taux fixé selon l’activité en même temps que le paiement de ses charges sociales, tous les mois ou tous les trimestres. Pour bénéficier de cette option, il doit en faire la demande et remplir des conditions de revenus.

 

Concernant le régime micro-social, l’auto-entrepreneur s’acquitte de charges sociales moins élevées qu’un entrepreneur individuel classique :

 

  • 12,3% du chiffre d’affaires pour une activité de vente de marchandises ;
  • 21,2% du chiffre d’affaires pour une activité de prestation de services ;
  • 23,1% du chiffre d’affaires pour une activité libérale.

 

À savoir : l’auto-entrepreneur est soumis au régime social des travailleurs non salariés. Ses cotisations étant proportionnelles à son chiffre d’affaires, il ne paie pas de cotisations si son chiffre d’affaires est nul. Il peut toutefois demander à payer un minimum de cotisations afin de bénéficier d’une protection sociale même s’il n’a pas de revenus.

 

Enfin, concernant ses obligations comptables, il bénéficie d’un régime simplifié. Il doit simplement tenir un livre des recettes, et si l’activité le justifie un registre des achats.

 

Patrimoine professionnel et patrimoine personnel de l’auto-entrepreneur : quelle différence ?

Le patrimoine professionnel de l’auto-entrepreneur est constitué par les éléments utiles à son activité professionnelle. Autrement dit, tout ce qui est utilisé dans l’exercice de son activité appartient à son patrimoine professionnel. Il peut par exemple s’agir :

 

  • d’un fonds de commerce, artisanal ou agricole, avec tous les biens le constituant ;
  • de biens immeubles utilisés dans le cadre de son activité, comme des locaux ;
  • de biens meubles utilisés dans le cadre de l’activité, comme des véhicules, des marchandises, du matériel, des outils ;
  • de biens dits incorporels, comme des brevets, des licences, une marque, etc.
  • les sommes liées à l’activité, ainsi que les sûretés, droits et dettes.

 

Le patrimoine personnel de l’auto-entrepreneur correspond à tout ce qui n’est pas inclus dans le patrimoine professionnel. Il peut s’agir de la résidence principale, d’un véhicule personnel, d’un emprunt pour un achat personnel, etc.

 

Comme expliqué précédemment, un auto-entrepreneur exerce son activité à son compte. Aucune personne morale distincte n’est créée pour l’exercice de son activité, comme c’est le cas lorsqu’on crée une société. L’auto-entrepreneur est confondu avec son entreprise.

 

Ainsi, pour un auto-entrepreneur, les patrimoines professionnel et personnel devraient normalement être confondus. Cette logique était celle appliquée pendant de nombreuses années, mais une réforme en 2022 est venue modifier le statut d’entrepreneur individuel, et par conséquent, celui de micro-entrepreneur.

 

La protection du patrimoine personnel de l’auto-entrepreneur : les règles avant le 15 mai 2022

Avant la réforme de l’entreprise individuelle, et par conséquent de la micro-entreprise, intervenue en 2022, le patrimoine personnel et professionnel de l’entrepreneur étaient confondus. De ce fait, si l’entreprise rencontrait des difficultés financières et ne parvenait pas à rembourser ses dettes, ses créanciers pouvaient se rembourser sur la totalité du patrimoine de l’entrepreneur individuel, qu’il s’agisse du patrimoine professionnel ou du patrimoine personnel. Cette situation était donc risquée pour l’auto-entrepreneur.

 

Pour protéger au minimum l’auto-entrepreneur, une règle, toujours en vigueur, existe : la résidence principale est insaisissable. Ainsi, la résidence principale ne peut faire l’objet de poursuites par les créanciers professionnels souhaitant recouvrer leurs créances. Si une partie de votre résidence principale est toutefois utilisée pour votre activité professionnelle, celle-ci reste saisissable par les créanciers ; seule la partie réservée à l’habitation est insaisissable de droit.

 

À noter : il était possible pour l’auto-entrepreneur de réaliser ce que l’on appelle une déclaration d’insaisissabilité. Cet acte juridique, réalisé par un notaire, permet de protéger un bien immobilier des créanciers professionnels.

 

Pour pallier le risque lié à la confusion des patrimoines, il existait un statut spécifique ; l’EIRL, ou entreprise individuelle à responsabilité limitée. Lorsqu’un entrepreneur créait une EIRL, il pouvait séparer son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel, afin que les créanciers ne puissent se rembourser sur son patrimoine personnel. Pour séparer ses patrimoines, l’entrepreneur devait réaliser une déclaration d’affectation, dans laquelle était listé tout le patrimoine professionnel.

 

La protection du patrimoine personnel de l’auto-entrepreneur : les règles après le 15 mai 2022

Le patrimoine personnel de l’auto-entrepreneur, et par conséquent de l’entrepreneur individuel, étant très exposé au risque de saisie par les créanciers professionnels, une réforme est venue apporter plus de protection à ce statut. Depuis le 15 mai 2022, un nouveau statut de l’entrepreneur individuel est entré en vigueur.

 

À savoir : le statut d’EIRL a été supprimé pour laisser place au statut unique de l’entreprise individuelle, avec option pour le régime de la micro-entreprise.

 

L’auto-entrepreneur bénéficie désormais d’une séparation automatique de son patrimoine personnel et professionnel. Tous les biens utiles à l’exercice de son activité sont automatiquement rattachés à son patrimoine professionnel, sans besoin de déclaration d’affectation, et tous les biens non inclus appartiennent à son patrimoine personnel, qui est à l’abri des créanciers professionnels. Ansi :

 

  • si vous créez une entreprise individuelle, votre patrimoine est automatiquement séparé dès votre immatriculation ;

 

  • si vous aviez une entreprise individuelle avant le 15 mai 2022, vos patrimoines personnel et professionnel sont séparés depuis cette date.

 

Important : les dettes nées avant le 15 mai 2022 ne sont pas affectées par la réforme. De ce fait, pour le paiement de ces créances, la séparation des patrimoines n’est pas appliquée.

 

Grâce à cette réforme, le patrimoine personnel en micro-entreprise est maintenant à l’abri des créanciers professionnels, qui ne peuvent obtenir le paiement de leur créance que sur le patrimoine professionnel.

 

Les organismes de sécurité sociale, comme l’administration étant des créanciers professionnels, ils ne peuvent se rembourser sur votre patrimoine personnel d’auto-entrepreneur. Mais attention, des exceptions à cette règle existent pour ces deux créanciers. Ils peuvent recouvrer leurs créances sur vos deux patrimoines si :

 

  • la créance concerne la CSG, la CRDS ou la taxe foncière sur les immeubles utiles à votre activité ;
  • vous avez commis des manœuvres frauduleuses ou des inobservations graves et répétées concernant vos obligations fiscales et sociales.

 

À noter : tout comme un créancier professionnel ne peut se rembourser que sur le patrimoine professionnel, un créancier personnel ne peut obtenir le paiement de sa créance que sur le patrimoine personnel de l’auto-entrepreneur. Toutefois, si le patrimoine personnel se révèle insuffisant, un créancier personnel peut réaliser une saisie sur le patrimoine professionnel, dans la limite du bénéfice réalisé sur la dernière année d’activité.

Pourquoi et comment renoncer à la protection du patrimoine personnel en auto-entrepreneur ?

La séparation automatique des patrimoines professionnel et personnel de l’auto-entrepreneur est une mesure très protectrice qui est un avantage pour les entrepreneurs, mais qui peut parfois causer des difficultés pour obtenir un prêt auprès d’établissements de crédit. En effet, si le patrimoine professionnel n’est pas suffisamment élevé, les banques peuvent être réticentes à accorder un emprunt, faute de garanties suffisantes. De ce fait, les entrepreneurs individuels sont souvent amenés à utiliser leur patrimoine personnel pour garantir une dette professionnelle, voire à renoncer à la séparation de leur patrimoine personnel sur demande du créancier.

 

La renonciation à la protection du patrimoine personnel pour l’auto-entrepreneur consiste à renoncer à la séparation des patrimoines pour un engagement, une durée et un montant clairement déterminés. Pour cela, l’auto-entrepreneur signe un acte de renonciation à la protection de son patrimoine personnel. Compte tenu de l’importance de cet engagement, l’auto-entrepreneur dispose d’un délai de 7 jours après la signature pour changer d’avis.

Portage salarial : une meilleure protection du patrimoine ?

Qu’est-ce que le portage salarial ?

Le portage salarial est une relation de travail particulière qui implique l’intervention de trois acteurs ; vous, vos clients et une société de portage salarial.

 

En pratique :

 

  • vous exercez votre activité professionnelle comme un travailleur indépendant, en démarchant et négociant vos missions et tarifs avec vos clients ;
  • en parallèle, vous êtes salarié, via un CDI ou CDD, de la société de portage ;
  • la société de portage établie pour vous vos documents contractuels et facture vos clients ;
  • la société de portage vous verse ensuite votre rémunération, après prélèvement d’une commission et de frais de gestion administrative de votre activité.

 

Mais pourquoi faire le choix du portage salarial ? Parce que vous êtes libre comme un travailleur indépendant, mais avec la sécurité du statut de salarié ! Vous bénéficiez ainsi des avantages de l’entrepreneuriat :

 

  • la liberté de choisir vos clients ;
  • la délimitation de vos missions ;
  • la possibilité de négocier vos tarifs ;

 

mais aussi des avantages du salariat :

 

  • des avantages sociaux, comme la mutuelle d’entreprise, les tickets restaurants, etc. ;
  • une protection sociale complète d’un salarié du secteur privé ;
  • un statut préférentiel auprès des banquiers et bailleurs ;

 

avec en plus des avantages liés au statut de salarié porté :

 

  • la concentration sur votre activité professionnelle uniquement, l’entreprise de portage se chargeant de la gestion administrative de votre activité ;
  • des frais de responsabilité civile avantageux ;
  • un accompagnement dans l’évolution de votre carrière professionnelle.

 

La protection du patrimoine personnel du salarié porté

Face à la responsabilité d’être auto-entrepreneur, qui implique bien souvent de devoir exposer son patrimoine personnel malgré la séparation automatique des patrimoines, le statut de salarié porté se révèle bien plus avantageux.

 

En effet, en tant que salarié, votre patrimoine personnel n’est en aucun cas impliqué dans l’exercice de votre activité professionnelle, un salarié n’engageant pas sa responsabilité financière en cas de litige avec un client. En cas de problème sur un règlement de créances, la société de portage salarial se charge de régler le litige.

 

Également, il faut garder à l’esprit que l’auto-entrepreneur doit souvent renoncer à sa séparation et donc à sa protection de patrimoine car son statut n’est pas rassurant pour les banques en cas de prêt. Il doit apporter beaucoup plus de garanties en raison de sa potentielle instabilité financière. Le statut de salarié porté est bien plus avantageux dans ces situations, car un contrat salarié est plus rassurant pour les établissements de crédit. De plus, le salarié porté peut lisser sa rémunération sur plusieurs mois afin de présenter des revenus réguliers et fixes pour rendre son dossier d’emprunteur encore plus convaincant.