Maladie du travailleur libéral : quelles indemnités ?
Selon l’UNAPL (Union nationale des professions libérales), les professions libérales représentent 39% des travailleurs indépendants en France. Avec notamment plus de 340.000 créations d’entreprises libérales en 2022, ce secteur est en plein essor, particulièrement pour le service aux entreprises via des activités de consulting.
Les professions libérales réalisent de manière individuelle des prestations de services intellectuels. Il s’agit de travailleurs indépendants, ce qui signifie qu’ils n’exercent pas leur activité professionnelle dans le cadre d’un contrat de travail salarié. En tant qu’indépendant, les professions libérales sont exposées à de nombreux risques, financiers et sociaux. La question de la protection sociale des professionnels libéraux est cruciale pour ces travailleurs et doit impérativement être posée avant de lancer son activité. Par exemple, en cas de maladie, une profession libérale n’aura pas toujours accès à une protection aussi élevée qu’un travailleur salarié.
Différents régimes sociaux, conditions d’indemnisation, montant des indemnités, etc., pour lancer votre activité sans aucune zone d’ombre sur votre protection sociale, on vous explique tout sur la situation d’une profession libérale en maladie.
Comprendre la protection sociale en cas de maladie des professions libérales
Statut juridique et régime social des professions libérales
Lorsque l’on lance son activité professionnelle en indépendant, l’étape incontournable est le choix de son statut juridique. Ce choix est d’une grande importance, car il implique de nombreuses conséquences pour l’exercice futur de votre activité. Il peut impacter votre rémunération, votre protection sociale, votre facilité à vous associer, votre charge administrative et comptable, etc.
Une profession libérale peut exercer à son compte, c’est-à-dire en son nom propre, via une entreprise individuelle, ou en société, ce qui implique la création d’une personne morale distincte. Le choix entre ces deux types de structures et les différentes options de statuts qu’elles offrent, va avoir des conséquences concernant le régime social en profession libérale.
Si le travailleur libéral fait le choix d’exercer son activité en tant qu’entrepreneur individuel, qu’il opte pour le régime de la micro-entreprise ou non, il est affilié au régime des travailleurs non salariés (TNS), qu’on appelle également couramment le régime des indépendants.
Si le travailleur libéral décide d’exercer sous la forme d’une société, il pourra opter pour une des deux formes de société unipersonnelle : l’EURL ou la SASU. Il sera ainsi associé unique de la société, et dans la grande majorité des cas, également son dirigeant. Le gérant d’une EURL est un travailleur non salarié (TNS), alors que le président d’une SASU est affilié au régime des assimilés salariés.
À savoir : il existe également des sociétés d’exercice libéral (SEL) spécialement adaptées à l’exercice des professions libérales. Ces sociétés sont accessibles sous des formes unipersonnelles ; la SELASU, qui correspond à une SASU, et la SELARLU, qui correspond à l’EURL. Il est aussi possible de créer une SCM, structure réservée aux professions libérales, qui leur permet de se réunir à plusieurs en société afin de mettre en commun les moyens permettant l’exercice de leur activité (locaux, secrétariat, matériel, etc.), tout en continuant d’exercer celle-ci de manière distincte. Dans le cas d’une SCM, les travailleurs libéraux sont des travailleurs non salariés.
Une profession libérale peut donc dépendre du régime des TNS ou des assimilés salariés. Ces deux régimes sociaux impliquent des cotisations et une protection sociale différente, notamment en ce qui concerne l’assurance-maladie de la profession libérale.
Comparatif entre TNS et assimilés salariés | ||
TNS | Assimilé salarié | |
Affiliation | Sécurité sociale des indépendants (SSI, ex RIS) | Régime général de la sécurité sociale |
Protection sociale générale | Protection moins importante Maladie-maternité, retraite, pas de cotisation à l’assurance-chômage | Identique à un salarié du secteur privé, sauf pour l’assurance-chômage |
Taux de cotisation | Environ 45% Cotisation minimale même en cas de non rémunération | Environ 80% Pas de cotisation en cas de non rémunération (donc pas de protection) |
Couverture maladie | Identique pour tous | |
Indemnités journalières | Éligible Règles de calcul différentes | Éligible Règles de calcul différentes |
Protection AT/MP | Non couvert | Couvert |
À noter : le plus souvent, les professionnels libéraux exercent en tant qu’entrepreneurs individuels ou sous une forme de société leur attribuant le statut de TNS. Cet article se concentre donc sur le régime des travailleurs non salariés.
Professions libérales réglementées et non réglementées : différences de protection sociale
Il existe deux types de professions libérales : les professions libérales réglementées et les professions libérales non-réglementées.
Les professions libérales réglementées sont des professions dont l’exercice exige la détention d’un diplôme, voire d’une expérience professionnelle minimum, ainsi que l’inscription auprès d’un ordre professionnel. Elles sont soumises à diverses règles, notamment déontologiques. Parmi les professions libérales réglementées, on retrouve les médecins, les avocats, les architectes, les experts-comptables, etc.
Les professions libérales non réglementées sont des activités de prestation de services intellectuels, artistiques ou scientifiques, dont l’exercice n’impose pas le respect de règles spécifiques. Certaines d’entre elles peuvent toutefois être soumises à l’obtention d’un agrément ou d’une carte professionnelle. Les professions libérales non réglementées sont par exemple les graphistes, les coachs sportifs, les naturopathes, les urbanistes, les consultants, les informaticiens, etc.
Concernant l’assurance-maladie des professions libérales, la prise en charge en cas de maladie sera différente selon qu’elles sont réglementées ou non. En effet, les professions libérales non-réglementées obéissent aux mêmes règles que les travailleurs indépendants artisans ou commerçant :
- si elles exercent en micro-entrepreneur depuis 2018 ;
- si elles exercent depuis 2019 ;
- si elles ont opté pour le statut d’artisan/commerçant (cas de l’exercice de leur activité antérieur à 2018/2019). Si elles n’ont pas opté, elles restent soumises aux règles des professions libérales réglementées.
Cette différence est notamment marquée pour le calcul des indemnités journalières en cas d’arrêt-maladie des professions libérales.
Également, pour les professions libérales réglementées, les règles en matière d’indemnisation diffèrent selon la caisse professionnelle de prévoyance à laquelle elles sont affiliées (selon leur profession). Par exemple, on retrouve la CAVEC pour les experts-comptables, la CARPV pour les vétérinaires, ou encore le CNBF pour les avocats, qui ont quant à eux des règles d’indemnisation très spécifiques.
À noter : cet article se concentre sur les travailleurs libéraux exerçant une profession non-réglementée. Pour en savoir plus sur votre indemnisation en cas de maladie en profession libérale réglementée, rapprochez-vous de votre caisse de prévoyance.
Les enjeux de la maladie pour les professions libérales
L’impact de la période de maladie pour le travailleur libéral
Lorsqu’un travailleur exerçant une profession libérale est en maladie, il est dans l’impossibilité d’exercer son activité professionnelle. Cette période peut avoir de lourdes conséquences, car s’il n’exerce pas son activité, le travailleur indépendant ne génère pas de revenus. Ainsi, si l’arrêt-maladie est de longue durée, la situation financière du travailleur libéral peut devenir complexe, voire précaire.
Si une profession libérale, grâce à l’assurance-maladie, peut obtenir une indemnisation lors de son arrêt de travail, vous devez garder une information clé à l’esprit ; pour bénéficier des indemnités journalières, il faut respecter certaines conditions. De ce fait, il n’est pas garanti de bénéficier d’un revenu de substitution pendant votre période de maladie. Également, le montant de l’indemnisation dépend de vos revenus. En conséquence, si vos revenus sont faibles ou irréguliers, le montant de vos indemnités s’en ressentira.
La nécessité de souscrire à des dispositifs complémentaires
La couverture maladie d’une profession libérale n’est bien souvent pas assez large pour lui garantir un revenu de substitution suffisant. Il est souvent recommandé aux professions libérales de souscrire à une complémentaire santé, afin de se garantir une meilleure indemnisation durant les périodes de maladie.
Il est conseillé aux professionnels libéraux de souscrire à un contrat de prévoyance, afin d’assurer une meilleure stabilité financière, celui-ci permettant de compléter les indemnités versées par la Sécurité sociale.
Les conditions d’indemnisation des professions libérales en maladie
En cas d’arrêt-maladie, les professions libérales peuvent donc bénéficier d’une indemnisation, via le versement d’indemnités journalières. Toutefois, celle-ci est soumise au respect de certaines conditions. Ainsi, pour bénéficier d’indemnités journalières en profession libérale, vous devez :
- vous retrouver dans l’incapacité d’exercer votre activité professionnelle et avoir stoppé celle-ci à cause de votre état de santé ;
- vous être fait prescrire un arrêt-lmaladie d’une durée minimale de 7 jours ;
- être affilié depuis au moins 1 an au régime obligatoire de la sécurité sociale ;
- être en activité ou en situation de maintien de droit à la date de prescription de votre arrêt-maladie ;
- être à jour dans le paiement des cotisations sociales ;
- avoir un revenu annuel d’au moins 4208,80€ sur les 3 dernières années.
À savoir : si vous ne remplissez pas l’intégralité de ces conditions, vous pouvez contacter votre CPAM afin de l’interroger sur la possibilité de bénéficier d’indemnités journalières au titre du maintien de droits de votre activité précédente.
Les démarches à accomplir pour les professions libérales en maladie
Pour que vous obteniez, en tant que profession libérale, le versement d’indemnités journalières, votre CPAM doit être informée de votre situation. Comment déclarer un arrêt-maladie en profession libérale ? L’information de votre CPAM peut se faire de deux manières :
- Votre médecin informe la CPAM : votre médecin a la possibilité d’établir la prescription de votre arrêt-maladie en ligne et de le transmettre directement à la CPAM. Votre médecin vous informera de la transmission, et vous n’aurez aucune démarche à réaliser de votre côté. Il vous remettra le volet 3 de votre avis d’arrêt de travail, que vous devrez conserver.
- Vous devez informer la CPAM : si votre médecin n’établit pas la prescription de votre arrêt-maladie en ligne, vous devez vous-même informer la CPAM. Votre médecin vous remet les 3 volets de votre avis d’arrêt de travail, et vous devez transmettre les volets 1 et 2 à votre CPAM dans un délai de 48 heures. Vous devez conserver le volet 3.
À noter : vous pouvez retrouver toutes les informations de contact et les coordonnées nécessaires à la transmission de vos documents sur votre espace Ameli.
Les indemnités journalières des professions libérales en maladie
Les modalités d’indemnisation
Le versement d’indemnités journalières en maladie pour une profession libérale est soumis à un délai de carence de 3 jours. Les indemnités ne sont donc perçues qu’à partir du 4e jour d’arrêt seulement.
À savoir : dans certains cas particuliers, le délai de carence ne s’applique pas et les indemnités sont versées dès le premier jour d’arrêt. c’est notamment le cas de l’arrêt-maladie :
- prescrit en raison d’une affection longue durée (ALD) ;
- prescrit en raison d’une grossesse pathologique ;
- prolongé suite à une reprise d’activité inférieure à 48 heures.
Concernant la durée de l’indemnisation en cas d’arrêt-maladie en profession libérale, les règles suivantes s’appliquent :
- 360 jours d’indemnisation pour un arrêt maladie de moins de 6 mois (90 jours pour un temps partiel), sur une période de 3 ans ;
- 3 ans d’indemnisation pour une ALD ou une SLD.
Le montant des indemnités journalières
Le montant des indemnités journalières pour une profession libérale en arrêt-maladie se calcule de la manière suivante :
1/730e x revenu d’activité annuel moyen (RAAM) des 3 dernières années.
Le montant des indemnités journalières est plafonné par la PASS (Plafond annuel de la Sécurité sociale). En 2024, le PASS est fixé à 46.368€ brut. les règles de plafonnement des indemnités sont les suivantes :
- 1 fois le montant du PASS pour les activités libérales non réglementées (63,52€ maximum d’indemnité journalière en 2024) ;
- 3 fois le montant du PASS pour les activités libérales réglementées, sauf avocats (190,55€ maximum d’indemnité journalière en 2024).
Également, si votre revenu d’activité annuel moyen est inférieur à 10% du PASS, le montant de vos indemnités sera de 0€. Vous ne bénéficierez donc d’aucune indemnisation.
À noter : les indemnités journalières perçues par les professions libérales en maladie sont soumises aux prélèvements sociaux (6,2% de CSG et 0,5% de CRDS), ainsi qu’à l’impôt sur le revenu
Le portage salarial : une bonne alternative ?
Qu’est-ce que le portage salarial ?
Le portage salarial est une relation de travail qui réunit trois parties ; vous, vos clients pour lesquels vous réalisez vos prestations, et une société de portage dont vous êtes salarié. Concrètement, la relation de travail s’organise comme suit :
- vous êtes embauché par la société de portage, en CDI ou en CDD ;
- vous choisissez librement vos clients, vous les démarchez et négociez vous-mêmes vos conditions ;
- vous réalisez la mission pour votre client, en rendant des comptes réguliers à la société de portage ;
- une fois la mission terminée, la société de portage facture votre client ;
- après prélèvement d’une commission et de frais de gestion, l’entreprise de portage vous verse votre rémunération.
Le statut de salarié porté vous permet donc d’exercer votre activité comme si vous étiez travailleur indépendant, mais en accédant aux avantages du salariat, comme par exemple :
- des avantages sociaux comme les tickets restaurants, des systèmes d’épargne salariale, une mutuelle d’entreprise ;
- la protection sociale d’un salarié ;
- le droit à la formation professionnelle.
Également, une assurance responsabilité civile est souscrite pour vous par l’entreprise de portage, qui s’occupe également de toute la gestion administrative de votre activité, notamment l’établissement de tous vos documents contractuels.
Comparaison entre statut de salarié porté et profession libérale en cas de maladie
Comme expliqué précédemment, une profession libérale en maladie bénéficie d’une protection limitée et se voit dans l’obligation de souscrire à une prévoyance si elle veut pouvoir bénéficier d’un revenu de substitution suffisant.
Le salarié porté, de son côté, bénéficie de la protection sociale d’un salarié du secteur privé, et donc d’une protection plus étendue en cas de maladie. Il bénéficie notamment d’une protection AT/MP, de la possibilité d’obtenir des indemnités complémentaires selon son ancienneté et d’un délai de carence pouvant être réduit ou supprimé selon sa convention collective. Il a également accès à une mutuelle d’entreprise et parfois à une prévoyance, à des tarifs avantageux.
À savoir : vous envisagez d’exercer votre activité sous le statut de salarié porté ou vous souhaitez en savoir plus sur ce statut ? Contactez-nous !